« Le Monde » remet son prix littéraire à Cécile Coulon pour « Une bête au Paradis »
Le monde :
Au début de l’année, avec « Sérotonine » (Flammarion), on a vu Michel Houellebecq s’emparer de la ruralité pour en faire de nouveau un objet romanesque, alors qu’une large partie de la littérature contemporaine l’avait délaissée. Vous avez un discours sur la nécessité d’un pareil geste…
Cécile Coulon :
Pendant un moment, la littérature a abandonné le monde agricole. L’exode rural a provoqué une sorte d’exode littéraire. Mais il se trouve que les campagnes n’ont pas été totalement vidées. Alors que cet « exode » se produisait, on a vu émerger une étiquette « littérature de terroir », réunissant tous les textes qui parlaient des fermes, des champs et des étangs, destinés à un certain public. J’ai toujours trouvé ça condescendant. Mais il y a des écrivains comme Marie-Hélène Lafon, Pierre Bergounioux ou Franck Bouysse qui ont heureusement fait en sorte de ramener ce monde au premier plan.
Une bête au Paradis n’est pas un « roman agricole », c’est d’abord un roman noir. J’ai eu envie d’y aborder la question du corps des femmes dans le monde rural. Qu’est-ce qu’ils deviennent, avec leurs désirs, leurs métamorphoses, quand tout cela est secondaire, soumis au rythme des saisons, à la vie des animaux ? Est-ce que ces corps, qui ne sont pas moins forts que ceux des hommes, ont une place pour exister ?